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    Je n’ai pas de plus riches, de plus intenses souvenirs que ceux de ces instants où la main de Giselle vient se poser sur moi, en un geste d’une douceur inexprimable, résumant tout d’elle et de moi. Je ne la vois pas encore, je sais qu’elle est là, que j’échappe à ma solitude, à la Solitude, à toutes les solitudes possibles et imaginables. Jamais ce premier contact n’est identique, tout à fait identique à ceux qui l’ont précédé : tantôt elle me saisit au poignet, à l’épaule, aux chevilles, ou ses mains se croisent sur ma poitrine, tantôt c’est un appel, un soupir, une sorte de frisson qui m’enveloppe. (…)

     Au masculin

    Je regarde ma main, incrédule : rien de visible d’abord, puis sous l’effort de la volonté tendue, la présence ressentie se matérialise ; non pas « elle », mais une jolie jeune femme (âgée de vingt à vingt-cinq ans), dont je distingue seulement le haut du buste et le visage pâle et mince (sans lui ressembler vraiment, elle a le style de Katharine Hepburn). Elle vole alors à côté de moi, sa main dans la mienne, dans la féerie de ce qui est maintenant une nuit claire. Je l’attire à moi, l’enlace, regarde ses yeux, ce visage inconnu, à la fois paisible et fervent. J’embrasse ses lèvres, étreins son corps aux trois quarts invisible, retrousse et froisse de la main droite le léger tissu dont je la sens enveloppée.