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    Mais voilà qu’une nuit, je vécus une nouvelle expérience. J’étais en train de voler, un peu à la manière des supermen des feuilletons, allongé, les mains en avant, quand je me suis dit : « Merde, je vole, donc je rêve ! » Aussitôt, je pris conscience du paysage qui défilait sous moi comme un décor de cinéma, et de la latitude que j’avais de me diriger où bon me semblait. Je sentais le vent qui agitait mes habits, l’humidité des nuages, la fraîcheur de l’air. J’expérimentais sans tarder mon nouveau pouvoir, survolant tout à coup les Buttes-Chaumont, près desquelles j’habitais alors, me rapprochant de la cime des arbres, puis montant plus haut sans aucun effort, comme un grand oiseau.

    Dans les semaines qui suivirent - j’étais en vacances, et j’avais tout le temps de mener ces expériences - je fis de grands progrès et exécutais avec aisance des vols supersoniques et des sauts périlleux aériens. J’appris à décoller debout. Je savais voler.. en rêve, autant dire en vrai : je veux dire, l’éprouver comme si c’était vrai.


     Puis le travail reprit ses droits. J’oubliais mes loopings nocturnes d’un été. Une chose est sûre : le vol en rêve, c’est comme le vélo. Une fois que vous avez appris, vous savez pour toute la vie.

    Frédéric Joignot


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    Au féminin

     

     

      

    " Certains de mes rêves amoureux associent une créature angélique mâle, une femme étrange, une créature hermaphrodite, à moitié homme, à moitié femme et enfin moi-même (…). J’ai fait l’amour avec bien d’étranges bêtes au cours de ces rêves. La dernière créature de ces érotiques animalières fut une espèce de mi-cheval, mi-bouc . J’aurais dû être effrayée, mais je fus amusée de constater, en jetant un œil par-dessus mon épaule, que l’extrémité de sa barbe ressemblait à celle de Zal et qu’il portait des lunettes à la Benjamin Franklin (…). »

      

    « Si un contact sexuel agréable survient en rêve, l’intensifier et le poursuivre jusqu’à l’orgasme, ne pas craindre ce qui peut apparaître comme une relation inconvenante, car il s’agit de parties de soi-même qui doivent être intégrées.

     On ne vit jamais trop d’amour en rêve. 

     Demander à l’amante ou l'amant onirique un cadeau. »

     

     
     Patricia Garfield

      


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    Dans les semaines qui suivirent, je fis à nouveau le même rêve, sans toutefois arriver à faire intervenir d’autres personnes, des jolies femmes, à ces ébats. Jusqu’à ce qu’une nuit, je me retrouve au lit, en rêve, avec une adorable Eurasienne que je n’avais pas fréquentée depuis longtemps. Et maintenant, elle débarquait dans mon rêve, vêtue de ses seuls longs cheveux noirs, roulant sous une couette profonde, les yeux plissés par le désir. Ce fut un rêve à moitié lucide, où je ne menais guère le jeu, emporté par les délices du rêve, mais assez cependant pour que j’accapare la belle en pensant : « Elle est là. Profites en… »
     Au masculin
    Nos ébats me menèrent ce jour-là à la lisière de l’orgasme. Quand celui-ci fut très proche, je me réveillai avec une sensation de plaisir et de plénitude extrême. Le fait d’avoir frôlé un spasme en rêve, d’avoir vécu une nuit de sexe dans tous ses détails, avec une authenticité violente, me semblait prodigieux. Le rêve pouvait donc simuler, jusqu’à défier, la réalité. L’outrepasser ? Notre univers intérieur était assez riche, assez inventif pour nous offrir en cinérama le plaisir sexuel ?

    Frederic Joignot


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    Je n’ai pas de plus riches, de plus intenses souvenirs que ceux de ces instants où la main de Giselle vient se poser sur moi, en un geste d’une douceur inexprimable, résumant tout d’elle et de moi. Je ne la vois pas encore, je sais qu’elle est là, que j’échappe à ma solitude, à la Solitude, à toutes les solitudes possibles et imaginables. Jamais ce premier contact n’est identique, tout à fait identique à ceux qui l’ont précédé : tantôt elle me saisit au poignet, à l’épaule, aux chevilles, ou ses mains se croisent sur ma poitrine, tantôt c’est un appel, un soupir, une sorte de frisson qui m’enveloppe. (…)

     Au masculin

    Je regarde ma main, incrédule : rien de visible d’abord, puis sous l’effort de la volonté tendue, la présence ressentie se matérialise ; non pas « elle », mais une jolie jeune femme (âgée de vingt à vingt-cinq ans), dont je distingue seulement le haut du buste et le visage pâle et mince (sans lui ressembler vraiment, elle a le style de Katharine Hepburn). Elle vole alors à côté de moi, sa main dans la mienne, dans la féerie de ce qui est maintenant une nuit claire. Je l’attire à moi, l’enlace, regarde ses yeux, ce visage inconnu, à la fois paisible et fervent. J’embrasse ses lèvres, étreins son corps aux trois quarts invisible, retrousse et froisse de la main droite le léger tissu dont je la sens enveloppée.

     


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    Arrivant au château à la croisée de deux couloirs, j'exerçai mon libre arbitre et, optant pour celui de droite, j'aboutis rapidement à un escalier. Avide de découvrir une issue, je descendis les marches qui m'amenèrent près du faîte d'une immense voûte souterraine.

     Du pied des escaliers, je pouvais voir le sol de la caverne, en pente abrupte, s'enfoncer au loin dans l'obscurité. Plusieurs centaines de mètres plus bas, j'aperçus ce qui ressemblait à une fontaine, entourée par des statues de marbre. Mon imagination saisie à l'idée de me baigner dans des eaux symboliquement régénératrices, je descendis aussitôt la pente. Pas à pied, cependant, car chaque fois que je veux aller quelque part en rêve, je vole.

     

     Dès que j'eus atterri à côté du bassin, je fus très étonné de découvrir que ce que j'avais pris d'en haut

    pour une sculpture inanimée m'apparaissait à présent comme un être bien vivant et plutôt inquiétant.

    De fait, un génie effrayant et gigantesque surplombait la fontaine : le Gardien de la Source, comme je le

    sus immédiatement, de quelque façon.

    Affrontement

     

     Toutes mes forces instinctives me commandèrent d'un seul cri :

    "Fuis!" Mais je me souvins alors que cette apparition terrifiante n'était qu'un rêve.

    Enhardi à cette pensée, je dominai ma peur et, au lieu de fuir, je m'envolai droit vers la créature.

    Comme c'est souvent le cas en rêve, avant même que je fusse à sa portée, d'une manière ou d'une autre,

    nous avions atteint la même taille, et à présent, face à face, je pouvais la regarder droit dans les yeux.

    Prenant conscience que ma peur avait engendré cette terrible vision, je résolus d'étreindre ce que j'avais été si prompt à rejeter et, le coeur et les bras ouverts, je pris ses deux mains dans les miennes.

     

    Au fur et à mesure que le rêve se dissipait lentement, le pouvoir du «génie» semblait se fondre en moi, et je m'éveillai empli d'une vibrante énergie. Je me sentais prêt à tout »

     

     

    Laberge